Tabou, du duo argentin Pellejero et Zentner ( Casterman 1999 )
Buenos Aires, années 20. Nous suivons alternativement deux personnages.
• L’inspecteur Rivera – je me demande bien pourquoi la VF l’appelle Rivière - n’a pas une vie facile. En plus d’avoir à gérer un adultère sordide avec la meilleure amie de sa femme ( « Je devrais dire plutôt que le mensonge et la trahison furent mes drogues et que Gina se limita au rôle d’un irremplaçable dealer » ), une guerre mesquine et de tous les instants avec son adjoint Grossmann et le mépris paternaliste de son commissaire, il doit enquêter sur une série de meurtres commis apparemment au hasard et dont le seul point commun est qu’on retrouve sur les lieux une phrase du Faust de Goethe…
• Luna est barmaid au club Tabou. Mais avant cela elle était magicienne au club Morocco – avec ce petit détail que ses pouvoirs étaient bien réels et qu’elle les a perdus en même temps que sa capacité à aimer…
Elle se confie à une femme séduisante et mystérieuse – Princesse pour les intimes - qui prétend être la sœur cadette du Diable et pouvoir lui rendre et ses pouvoirs et son cœur - à ce minuscule détail près que ses pouvoirs, elle devra aussi en user pour le service du Mal selon les caprices de Princesse…
On se rend bien sûr très vite compte que ces deux intrigues n’en font qu’une.
L’intrigue est bien menée et le dessin excellent, en noir et blanc avec une très bonne technique de l’ombrage.
Le problème de Luna, c’est qu’elle peut prendre les décisions les plus désastreuses en s’imaginant qu’elle n’aura pas à en payer le prix. C’est cela qui nous donne droit aux images les plus belles, cette promenade des deux femmes dans un parc au petit matin, ce moment de bonheur pour elle où elle a recouvré ses pouvoirs et son cœur, moment atroce pour le lecteur qui sait bien, lui, qu’elle devra payer ( le bouge où elle a signé son pacte voit un autre marché de dupes se conclure, encore plus cynique ).
On croirait qu’après la première fois elle aurait compris.
Mais elle va comprendre cette fois-ci, vous pouvez me croire.
Quant à la fin, elle introduit un twist mineur mais fort bien venu, comme une petite queue de diable…